Les quatre étapes de base de la CNV – B pour le Besoin
La différence entre facteur déclenchant et cause
Facteur déclenchant: Mon fils de cinq ans joue de la batterie depuis 20 minutes (avec musique en arrière-plan).
Je peux imaginer plusieurs possibilités de réactions:
Sentiment | Besoin |
Je suis heureuse de voir qu’il s’entraîne | parce que la persévérance est une de mes valeurs. |
Je suis à cran | parce que j’aimerais être au calme pour travailler. |
Je suis enthousiaste | parce que j’avais envie de me défouler et ça me donne une occasion de danser. |
Je suis inquiète | parce que je veux entretenir de bonnes relations avec les voisins. |
Comme on le voit dans l’exemple ci-dessus, même si la situation extérieure (mon fils joue de la batterie) est la même, je peux ressentir des émotions bien différentes. L’origine de mes émotions se trouve chez moi: en fonction de mes besoins à ce moment là. On peut donc dire que la situation extérieure est un stimulus, un facteur déclenchant; et mon/mes besoins sont la source ou la cause de mes sentiments.
Nous avons tellement été habitués à penser en termes de torts attribués à l’autre que cette façon de voir les choses bouscule nos conditionnements. Avant, lorsque j’avais besoin de calme, je me disais que les autres étaient trop bruyants. Lorsque j’avais besoin d’espace, je trouvais les autres envahissants. Si j’avais besoin de sortir ou bouger et que mon fils ne voulait pas, je le cataloguais comme pantouflard. De la même manière, nous utilisons souvent des étiquettes pour qualifier le comportement des autres: hypocrite (besoin de plus d’authenticité), égoïste (besoin de considération, d’équilibre entre ce que je donne et ce que je reçois), …
La CNV nous invite donc à regarder ce qui se passe en nous et à prendre la responsabilité de nos sentiments. Dans un premier temps, ça me rebutait parce qu’il faut bien admettre qu’il est plus agréable de se dire que nos sentiment inconfortables le sont à cause de l’autre. Cela nous confère automatiquement un statut de victime. Et c’est là que j’ai commencé à me rendre compte que ça ne me plaisait pas tant que ça: je n’avais pas envie d’être une victime. Quand j’ai compris que être responsable signifiait également retrouver du pouvoir sur ma vie et donc arrêter de subir, j’ai commencé à entrevoir l’immense changement que cela pouvait impliquer. (Cliquez ici pour un article sur la responsabilité: Qu’est-ce qui m’appartient? Qu’est-ce qui appartient à l’autre? – A venir)
Marshall Rosenberg propose une petite phrase clé pour mieux prendre conscience de notre responsabilité: “Je me sens … parce que je …”
Pouvez-vous voir dans les phrases ci-dessous, en quoi l’auteur ne prend pas la responsabilité de ses sentiments?
- Je suis en colère parce qu’il m’a crié dessus !
- Quand tu arrives en retard, je suis énervée !
- Dans la première, je mets la responsabilité sur l’autre en disant “parce qu’il”. On pourrait dire: “Quand il me crie dessus, je suis en colère parce que j’ai besoin de respect et j’entends ses cris comme une agression.” (= besoins de respect, douceur, harmonie)
- Dans la deuxième, je cite l’action de l’autre et je ne parle pas de mes besoins/aspirations. “Quand tu arrives en retard, je suis énervée parce que j’aimerais pouvoir compter sur ce qui a été convenu.” (= besoins de fiabilité, cohérence entre ce qui se dit et ce qui se fait)
Dans les reformulations, même si j’utilise d’autres mots pour plus de spontanéité, j’ai conscience des besoins cités entre parenthèses.
Qu’est-ce qu’un besoin?
Un besoin est élan de vie qui nous pousse à agir. C’est quelque chose d’abstrait, d’universel (nous avons tous les mêmes besoins), de positif, et indépendant de toute situation ou personne. A l’inverse, une stratégie est concrète, nous est propre et concerne une situation ou une personne en particulier. (Voir article sur les demandes – A venir)
Exemples:
- J’ai besoin de partage et d’intimité >< J’aimerais aller au restaurant avec toi ce soir.
- J’ai besoin de me détendre et de me défouler >< On va danser?
- J’ai besoin de calme et de pouvoir me concentrer >< Tu veux bien aller jouer dehors?
Universel: Tous les êtres humains partagent ces besoins d’intimité, de se défouler, de se détendre, … Ce sont des aspirations qui existent en nous et qui nous poussent à agir. Ce caractère universel fait que nous pouvons nous comprendre et nous rejoindre au niveau des besoins. Même si quelqu’un agit d’une façon qui nous déplait, il essaye (peut-être d’une façon tragique) de satisfaire des besoins. C’est donc à ce niveau que nous allons pouvoir nous reconnaître comme des êtres humains, des semblables – au delà de nos désaccords.
Positif: On parle en termes positifs, on dit ce dont on a besoin et pas ce que nous ne voulons pas (“Je ne veux pas rester enfermée” => “J’aimerais avoir de l’espace”).
Abstrait et indépendant de toute situation: Dans les exemples ci-dessus, on voit bien que les besoins sont des termes généraux et qu’ils ne sont pas liés à une action en particulier.
Il y a toujours de nombreuses stratégies possibles pour satisfaire un besoin. Cette distinction claire entre Besoin et Stratégie nous donne beaucoup plus de pouvoir sur notre vie. Si je raisonne en termes de “Aller au cinéma” et que mon mari n’en a pas envie, cela peut créer un différend dont l’un de nous sortira perdant et l’autre gagnant. Si je raisonne en termes de besoins (par exemple: “Me changer les idées”), alors je sais que je pourrais trouver d’autres stratégies que “Aller au cinéma”. Par exemple: regarder un film à la maison, aller boire un verre dans un café, inviter des amis, faire du sport, lire un livre, …
Dans la philosophie de la CNV, tous les besoins ont une importance égale. Il n’y a pas de conflit au niveau des besoins, seulement au niveau des stratégies. Je ne dis pas pour autant qu’il m’est toujours facile de trouver des stratégies qui prennent en compte toutes les aspirations (les miennes et celles de l’autre); mais au fil du temps, ma créativité augmente. Et quoi qu’il en soit, je me rappelle d’un principe important: “Les besoins ont plus besoin d’être reconnus qu’assouvis.” En effet, lorsque l’on prend le temps de clarifier en nous (voir article sur l’Auto-empathie – A venir) comment nous nous sentons, et ce à quoi nous aspirons, on peut déjà observer une forme de détente. De la même manière, si mon mari me dit “Tu aimerais te changer les idées?”, je me sens entendue et son refus d’aller au cinéma sera moins dur à entendre.
Il nous arrive de mélanger un besoin avec une stratégie concernant une personne. Le besoin existe indépendamment de toute personne. Néanmoins, il est parfois difficile de se dire par exemple “J’ai besoin d’amour” sans le lier automatiquement à son conjoint.
De la même manière, si je souhaite du soutien, de l’écoute ou de la compréhension, il y a des chances que je préfère que cela vienne d’une personne en particulier. Dans le même temps, si j’ai la conscience que cette personne est ma “stratégie préférée”, cela me permet deux choses:
- Je peux lâcher prise au niveau de la stratégie sans pour autant lâcher mon besoin: je ferai alors preuve d’imagination pour trouver d’autres stratégies pour quand même prendre soin de mon aspiration.
- Je peux prendre conscience que je vais peut-être devoir faire un deuil s’il m’est difficile de lâcher ma stratégie préférée: ce deuil me permettra d’aller de l’avant et d’ouvrir les portes sur d’autres possibilités. Lorsque je souhaite nourrir un besoin ‘tout de suite’, j’ai aussi conscience que cette immédiateté est une préférence. Il se peut que je reconnaisse le besoin et que je sois consciente que pour le moment, je ne vois pas comment le nourrir (ça peut donc aussi être un deuil à faire).
Cette distinction entre besoin et stratégie m’a apporté beaucoup dans ma vie: plus de légèreté, plus de confiance en moi et en la vie, plus de créativité, moins de tensions, plus d’ouverture, plus de responsabilité, plus de pouvoir et plus de liberté .
A vous de jouer! La prochaine fois que vous souhaitez faire quelque chose, ou que quelqu’un fasse quelque chose pour vous, je vous propose de prendre quelques instants pour vous demander: Pourquoi est-ce que je veux cela? Quel est l’aspiration, le besoin que j’aimerais nourrir ainsi?
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